L’instauration d’une contribution financière à la charge des bénéficiaires du compte personnel de formation (CPF) annoncée lundi 19 février par le ministère de l’Économie et des Finances, fait réagir les organisations syndicales et les représentants des prestataires de formation. La mesure risque de freiner l’accès à la formation.
Ils s’y opposent sur le fond comme sur la forme. Le projet de faire contribuer financièrement les actifs qui mobilisent leur compte personnel de formation (CPF) annoncé pour cette année par le ministre délégué au comptes publics créent des remous dans le monde de la formation. Cette participation à hauteur de 10 % minimum du coût de la formation a été avancée, lundi 19 février, dans le cadre de la présentation d’un plan d’économies de 10 milliards d’euros.
Une mesure pénalisante
Du côté des organisations syndicales, Force ouvrière « réaffirme », dans un communiqué « sa ferme opposition à l’instauration d’un ticket modérateur ». « Une telle mesure conduirait au détournement du CPF au détriment du droit à la formation professionnelle des salariés », précise la confédération. Pour la CGT, il s’agit d’une mesure « inadmissible » qui « pénalisera d’abord les salariés les plus fragiles, celles et ceux dont les salaires sont déjà insuffisants pour bien vivre. Ils seront les plus impactés, alors que ce sont celles et ceux qui on le plus besoin de se former. » Les deux organisations critiquent aussi l’absence de concertation préalable avec les partenaires sociaux et le timing de l’annonce. FO la juge inopportune compte tenu « de l’inflation qui affecte toujours le pouvoir d’achat des ménages » et « au regard de l’actuelle négociation nationale interprofessionnelle relative au nouveau pacte de la vie au travail. »
D’autres leviers d’économies
Les Acteurs de la compétence qui fédèrent 1 400 entreprises du secteur de la formation s’interrogent aussi sur l’absence de concertation et sur la pertinence de la mesure. Un reste à charge à hauteur de 10 % risque selon la fédération de freiner « drastiquement l’accès de tous à la formation. » L’organisation professionnelle considère que le CPF est une « réussite sociale » et que les actions de régulation du marché mises en œuvre ces deux dernières années ont déjà permis de réduire les dépenses. Dans une optique de maîtrise budgétaire, les Acteurs de la compétence suggèrent d’autres leviers : retirer le permis moto des actions éligibles au CPF ou instaurer « un forfait unique d’accès au CPF de quelques euros uniquement », un « dispositif de régulation plus simple et plus équitable », estime la fédération. Les organisations syndicales avancent d’autres pistes : augmenter la contribution des entreprises au financement de la formation professionnelle, selon la CGT, ou généraliser le recours au conseil en évolution professionnelle (CEP) avant la mobilisation du CPF, ce qui « permettrait de réguler efficacement le CPF », précise FO.
Un frein à la formation
Alors que l’objectif de la modernisation du CPF était de démocratiser l’accès à la formation, l’instauration d’une participation financière à la charge des bénéficiaires pourrait freiner l’engouement pour le dispositif observé depuis quatre ans. Depuis le lancement de la plateforme « Mon compte formation » en novembre 2019, plus de 7 millions de personnes ont mobilisé leur CPF. Selon un sondage de l’organisme de formation Wall Street English publié en début d’année, 70 % des personnes interrogées se disent opposées à la mise en place d’un reste à charge systématique. Et 80 % des actifs refuseraient de payer ou ne seraient pas en mesure de payer 10 %, ou plus, de la formation.
Aujourd’hui, les titulaires d’un CPF qui n’ont pas suffisamment de crédit sur leur compte peuvent payer de leur poche le complément. Mais rares sont les personnes qui financent elles-mêmes une partie de la facture, selon une étude de la Dares. En septembre 2022, 8 % des utilisateurs seulement ont contribué au financement de leur formation. Le reste à charge s’élevait en moyenne à 620 euros. Et pour une personne sur deux, ce reste à charge représentait moins de 20 % du coût de la formation.
Par Estelle Durand – Le 22 février 2024 – Centre Inffo