strategie

Formation professionnelle

18 novembre 2021

L’évolution du marché questionne le modèle économique des prestataires de formation

La réforme de 2018 et la crise ont précipité la transformation du secteur de la formation. A la veille d’une reprise soutenue par le plan de relance, de nombreux prestataires s’interrogent sur leur modèle économique. Loïc Lebigre et Sandrine Baslé, consultants pour Centre Inffo, reviennent, dans une série d’articles, sur les enjeux d’une démarche stratégique.

Alors que l’on a fêté, cet été, les 50 ans des lois Delors, le marché de la formation vit un moment charnière. L’effet conjugué de la révolution numérique et de réformes en profondeur du système marque une rupture. Le changement est culturel. « Le secteur a longtemps été perçu comme une économie administrée et subventionnée par l’impôt. La construction d’un modèle économique n’est donc pas toujours une évidence pour les prestataires de formation », confirme Loïc Lebigre, consultant senior au sein de Centre Inffo. Sur un marché devenu plus concurrentiel et plus exigeant en investissement, difficile aujourd’hui, pour un dirigeant, d’échapper à cet exercice stratégique.

Sous la pression de la révolution numérique

Première force à l’œuvre dans la transformation du secteur de la formation : la révolution numérique. Comme ailleurs, elle impose de nouvelles exigences en matière de transparence, favorise la désintermédiation et place l’utilisateur au centre de la construction de l’offre.   Emblématique, le nouveau CPF, né avec la réforme de 2018, vient d’intégrer le système « TripAdvisor », s’inscrivant dans la même logique que le système Anotea mis en place par Pôle emploi en 2017. « Il existe une véritable prime à l’innovation. Nous le constatons à travers notre enquête sur les politiques d’achat menée auprès des responsables de formation. Ce mouvement, amorcé depuis 2015, s’accélère et a fait émerger de nouveaux entrants aguerris aux méthodes agiles du digital », confirme Sandrine Baslé, directrice chez Qualiview Conseil et consultante pour Centre Inffo.

Un ticket d’entrée sur le marché plus élevé

Autre agent de changement, la réforme de 2018 ouvre le marché de l’apprentissage à la concurrence et impose aux CFA de nouvelles règles de gestion. Dans le même temps, les fonds mutualisés ont été fléchés vers les plus petites entreprises, obligeant de nombreux organismes de formation à se repositionner. Ces derniers doivent désormais composer avec des ressources plus incertaines et des conditions d’accès aux fonds mutualisés et publics plus exigeantes. La loi Avenir professionnel a durci les règles d’enregistrement aux deux répertoires des certifications professionnelles  et engagé  une nouvelle démarche qualité. Y répondre a un coût. « Il faut compter entre 3 000 et 15 000 euros pour obtenir la certification Qualiopi en tenant compte du travail interne de préparation à la mise en conformité », précise Loïc Lebigre.  Un investissement non négligeable au regard de la structure très atomisée du secteur. Sur les quelque 30 000 prestataires mobilisant des fonds publics ou mutualisés, près de 20 500 enregistrent un chiffre d’affaires de moins de 50 000 euros.

Les fondamentaux du modèle économique

Dans ce contexte, redéfinir sa stratégie et se donner les moyens de la déployer devient vital. « Le modèle économique doit se penser comme un système et se construit autour de trois étapes structurées », explique Sandrine Baslé. La première pierre de l’édifice consiste à trouver son positionnement sur le marché. La deuxième phase permet de recenser les leviers opérationnels et de dégager de la rentabilité en alignant les recettes et les coûts. La méthode « Canvas » reprend les différents éléments constitutifs du modèle économique. Parmi eux, la proposition de valeur, le choix des segments de clientèle, du circuit de distribution, des différentes activités contributrices, les éléments clés de la stratégie commerciale ou encore les partenariats. Enfin, la dernière étape, souvent destinée à d’éventuels investisseurs, établit un business plan chiffré à partir de différentes hypothèses. « Il ne faut pas construire son modèle économique sur une simple opportunité ou sur un recrutement, ni se centrer uniquement sur les coûts ou encore le confondre avec un business plan. Ce travail doit aussi ouvrir des pistes innovantes en matière de tarification ou d’activités connexes », insiste Loïc Lebigre.

Retour en haut